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Troisième année consécutive de sécheresse

Grand Sud – Madagascar (2021)
  • Grand Sud – Madagascar (2021)

    Troisième année consécutive de sécheresse

Depuis les années 30, le grand Sud de Madagascar (le sud des régions Atsimo-Andrefana, Androy et Anosy) a connu de nombreuses crises alimentaires, appelées Keré (signifiant "famine/être affamé"). Le manque de pluie chronique, l’accélération de la déforestation, le Tiomena (vent qui soulève la poussière/sable et qui recouvre les parcelles cultivables) créent un phénomène de sécheresse récurrente.
En 2021, le grand Sud est confronté à une crise alimentaire aiguë sans précédent. Les trois dernières années de sécheresse consécutives ont gravement mis à mal les récoltes et l’accès à la nourriture.
Lors des précédents épisodes de keré, le soutien financier d’un membre de la famille, parti dans le nord en quête de travail (souvent lié de manière directe ou indirecte au tourisme), était salutaire. Cette fois-ci le COVID a eu de nombreux effets collatéraux impactant la situation économique de l’île. La pandémie entraine l’arrêt brutal des emplois saisonniers, tout comme la fermeture des écoles, privant les enfants d’un repas quotidien…
Avec le keré qui se prolonge depuis trop longtemps et devant cette absence d’alternative économique, beaucoup de jeunes n’ont d’autres choix que de se tourner vers le banditisme pour survivre. Sans hésiter ils font subir aux autres les ravages qu’ils cherchent eux-mêmes à éviter…

Culte des morts & des ancêtres chez les Antandroy

La grande majorité des habitants du grand Sud sont les Antandroy (signifiant "Le peuple des épines") qui pratiquent le culte des Morts et des Ancêtres. Ils ont un lien très fort avec la terre des ancêtres et il semble inconvenable d’abandonner les sépultures. Partir, serait risquer la malédiction, le bannissement… Partir, pour aller où ? Les morts devant être impérativement enterrés sur la terre de leurs aïeuls.
Face à la crise, la migration reste un ultime recours bien que beaucoup préféreront mourir sur leurs terres.

« Ces dernières années nous n’avons eu ni pluie, ni récoltes. Rien à manger, rien de rien… Manger des racines (Makalio, sosa, sakoa, Anjiky) ou n’importe quoi pour survivre.
Nous étions trop faibles pour partir, mais surtout pour aller où ?
Ici, c’est la terre de nos ancêtres, et si nous mourrons c’est ici que nous devons être enterré. »
Sana (48 ans, divorcée, 5 enfants) Juin 2021, commune de Ranobe

 

L’importance du Zébu

La possession de zébus est traditionnellement synonyme de puissance, de richesse, d’autorité, où la taille du troupeau contribue à la notoriété d'un homme et de son importance sociale.
Mais à sa mort, le fils n’héritera pas pour autant du bétail. Le troupeau possédé sera tué et consommé par la famille et la tribu…
On estime qu’au moins 40 % des zébus consommés à Antananarivo seraient des zébus volés. Malgré l’importance de cet animal, les troupeaux de zébus ont fortement régressé, de 23 millions de têtes au début des années 80 à environ 6 millions en 2018 (données d’International Finance Corporation)

« Avant nous avions des zébus, des chèvres, des moutons, mais les Dahalo, à plusieurs reprises, sont venus et ont tout pris.
Ensuite il y a eu le keré et l’on a vendu le peu qu’il nous restait (vaisselles, vêtements…) pour essayer de survivre. Pour seule nourriture, nous collections des racines dans les montagnes.
Maintenant nous recevons de la nourriture mais tout nous manque.
La terre est trop sèche pour être cultivée et il n’y a pas de travail. Notre souffrance est loin d’être terminée ! »
Miza Voliagnombe (45 ans, mariée, 10 enfants) Juin 2021, commune de Ranobe, Fokontany d’Ankamena

 

Les Dahalo

Les dahalo sont une composante de cette société, mais sa définition a changé. Il ne s’agirait plus de vols de bétail ritualisés entre communautés rurales voisines qui marquaient le passage de l’adolescence à l’âge adulte. Dans le Madagascar contemporain, il est synonyme de bandes criminelles organisées.
Les troupeaux, qui n’ont pas été décimés par la sècheresse, font face à des vols et un trafic de grande envergure. Ces criminels, motivés par l’intérêt financier qui découle de la revente et de l’exportation de viande de bovidés, font régner la terreur. Face à la diminution des troupeaux de zébus, ils n’hésitent pas à rafler tout ce qu’ils peuvent dans des razzias meurtrières…

Témoignages

« Avant, nous cultivions du maïs, du manioc, des patates douces et même des arachides en période des pluies. Mais à cause des trois dernières années de sécheresse ce n’est plus possible.
Pour pouvoir tenir en cette période de keré, nous avons vendu tous nos biens. Mais maintenant que nous n’avons plus rien à vendre, nous sommes coincés.
Nous avions fait un petit potager, au bord de la rivière. Nous cultivions des feuilles de patate douce, je les cuisais pour les donner aux enfants… Sans ça, je ne sais pas ce qui se serait passé. Le reste de la famille mangeait des racines que nous récoltions dans les montagnes. Ces racines ont peu de goût, ne sont pas vraiment nourrissantes, mais nous les mangions surtout pour nous remplir le ventre !
Aujourd’hui avec les distributions du Programme Alimentaire Mondial et l’intervention des vazahas (terme signifiant "étranger" utilisé dans ce cas pour designer MSF qui s’est implanté à Ranobe fin mars 2021), ça va mieux. La malnutrition est prise en charge et l’on mange à notre faim…
Difficile de penser à l’avenir, nous prions pour que la pluie revienne et que nous puissions de nouveau cultiver. Les distributions alimentaires sont notre dernier espoir, sans elles et en l’absence de pluie, nous sommes morts ! »
Martine (39 ans, mariée, 6 enfants) Juin 2021, commune de Ranobe, Fokontany de Beraketa

« Depuis quelques temps, le centre de santé a ré-ouvert et prend en charge la malnutrition. Nous recevons aussi de la nourriture : du riz, des haricots et de l’huile. Nous espérons que l’aide ne s’arrêtera pas car sans elle nous sommes condamnés, nous n’avons plus rien et nulle part où aller. »
Liakinasy, Juin 2021, commune de Ranobe

« Je me souviens de la vie d’avant, j’avais encore mes parents et nous vivions de l’agriculture. Mais à cause de la sècheresse et de la déforestation notre vie a empiré. Maintenant avec les distribuons, que ce soit du Programme Alimentaire Mondial ou de MSF on a de quoi manger.
J’aimerais pouvoir m’en sortir que ça soit par un travail ou recommencer à cultiver. Je veux juste avoir de quoi élever mes enfants. »
Tsiazohagne, Juin 2021, commune de Ranobe

« A cause du keré, nous avons vendu tout notre bétail et nos terres... Avec cet argent mon mari devait pouvoir partir pour chercher du travail. Mais il nous a laissé tomber et maintenant je n’ai plus rien. Pour tenir nous cultivons des feuilles de patates douce que nous mangeons avec des racines. »
Zeleny, Juin 2021, commune de Ranobe

« Ces trois dernières années nous avons tout perdu, plus rien à manger, plus de zébus, et même pas de vêtements à se mettre sur le dos… On mangeait du Makalio, du Fagnitse, cela nous nourrissait à peine et nous rendait malade ! Comment voulez-vous élever des enfants dans ces conditions lorsque l’on est une femme seule ? Mon mari est parti il y a quatre ans, depuis je me débrouille mais que voulez-vous que je fasse seule ? »
Temboay Flomenz, Juin 2021, commune de Ranobe

« A cause des dahalo on a tout perdu et nous nous sommes enfuis dans la forêt. Les femmes enceintes n’avaient d’autre choix que d’accoucher dans les bois. La faim a tué beaucoup.
Aujourd’hui on n’a pas surmonté le keré, mais c’est mieux. Même si nous manquons de tout, nous recevons de la nourriture.
J’aimerais tant pouvoir me remettre à cultiver la terre mais sans pluie c’est impossible. J’aimerais avoir de l’eau et des graines... »
Masy Faharaza (51 ans, mariée, 7 enfants) Juin 2021, commune de Ranobe, Fokontany d’Ambalatany

« Depuis 4 ans je nourris ma famille principalement avec des racines. Mon mari ne travaille pas et à cause de la sécheresse il n’y a pas de terre à cultiver.
Nous ne sommes pas bénéficiaires de l’aide alimentaire mais nos voisins en reçoivent et partagent avec nous…
J’espère juste que l’aide continue et que nous puissions en bénéficier. »
Tirambe, Juin 2021, commune de Ranobe

« Nous avons tout perdu, ces dernières années nous n’avons mangé que des racines comme le Fagnitse, le Bagne, le Dadonake (…) que l’on trouve dans les montagnes. Cela nous rendait malade mais l’on n’avait rien d’autre. Partir, fuir le keré, nous n’avions pas d’argent et rien à manger et c’est ici chez nous.
Aujourd’hui avec l’aide que l’on reçoit, notre vie s’est améliorée, je ne dis pas que nous n’avons pas faim, mais maintenant on peut supporter le keré. »
Anjarasoa Charles, Juin 2021, commune de Ranobe

Troisième année consécutive de sécheresse

Malheureusement il est plus que probable que ce type de condition climatique touchant le sud de Madagascar perdure. Ce phénomène contribue à la progression de l'insécurité alimentaire, mais il y a aussi une responsabilité du système politique.
Le manque de décentralisation pèse sur la capacité des régions à faire face à ces problèmes récurrents. Ces dernières décennies, peu de projets de développement (tel que l’irrigation des terres) ont vu le jour et encore moins ont abouti !
L’aide humanitaire ne peut être que ponctuelle. Collecter des fonds pour distribuer de la nourriture n’est en aucun cas la solution mais juste une réponse immédiate à une urgence. Cela ne rend en rien les populations plus autonomes et plus résilientes.
Au final, le changement climatique, les conséquences de la crise sanitaire mondiale et de mauvaises gouvernances sont en train de pousser le sud du pays à l’agonie…

 

« Avant nous étions bien, il y avait de la pluie et nous pouvions cultiver. Nous cultivions principalement du manioc, du maïs, des patates douces…
Et puis la sècheresse s’est installée et nous avons tout perdu…
Même partir n’était pas possible, sans nourriture et surtout pour aller où ?  »
Zesine (60 ans, mariée, 6 enfants) Juin 2021, commune de Ranobe, Fokontany de Ranobe

 

  • Intervention de MSF

Début 2021, dans le cadre de la réponse portée par le Gouvernement Malgache, MSF a proposé de mobiliser ses propres ressources afin de déployer une intervention d’urgence dans les Régions concernées. Les zones d’interventions identifiées ont été en priorité le district d’Amboasary ainsi que le celui d’Ambovombe. L’intervention s’articulant sur trois axes : dépistage et prise en charge de la malnutrition aigüe, amélioration de l’accès à l’eau, distribution de rations alimentaires de protection…
Photos prises dans les cliniques mobiles MSF sur les communes de Tomboarivo et Mahabo (district d’Amboasary), avril et mai 2021.

Fin novembre 2021, près de 9 500 enfants de moins de 10 ans ont été pris en charge par MSF. Plus de 40 pompes à main ont été réparées et dix forages de grande profondeur sont en cours de construction. Quelques 400 m3 d’eau ont également été distribués à l’aide de camions citernes.

A Propos

Reportage réalisé dans le district d'Amboasary Atsimo (région Anosy) entre avril & juin 2021
Merci à Santatra pour les traductions.
Film 120 Ilford Delta 100 & 400 - focale 80mm & Numérique couleur '24x36' - focale 35mm

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